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L’Europe comme un fil rouge

Portraits

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10/01/2025

Du rêve de piloter des avions à celui de vivre au cœur de la Commission européenne, il y a un chemin. Singulier. Authentique. Personnel. Et sans doute un peu balisé par des origines polonaises qui conditionnent une attirance pour l’international. Ce chemin, c’est celui de Dorothée Papiewski (promo 95), qui nous raconte comment ses choix et ses envies l’ont menée jusqu’à Bruxelles, et qui garde de ses années de Sussu un souvenir ému.

Un choix de carrière commence parfois très tôt. C’est votre cas Dorothée. A quel moment remontent vos premières ambitions professionnelles ?

Ça a commencé au collège, en classe de quatrième. Des intervenants étaient invités à nous présenter leur métier. Un pilote d’Air France était alors venu dans notre classe. J’ai immédiatement voulu être pilote de ligne. Ce rêve s’est évanoui en seconde, notamment en raison de ma myopie. Mais il est resté de cette époque une réelle attirance pour l’aéronautique. Mon idée était la suivante : si je ne peux pas piloter des avions, je vais les construire. La suite m’en a un peu éloignée, mais ça a fait partie de mon cheminement.

"Si je ne peux pas piloter des avions, je vais les construire"

Arrive le moment du bac et des choix post-bac. Quel a été le vôtre ?

J’ai postulé à l’Estaca, à l’ESME-Sudria et à l’Ecole Polytechnique Féminine. Au final, j’ai choisi ESME. L’une des raisons me vient de mon père, qui était un ingénieur polonais, et qui m’a dit un jour que l’aéronautique obligeait les gens qui épousent cette carrière à de fortes contraintes géographiques, en se limitant généralement à Toulouse et Paris, alors que l’électronique, il y en a partout. Or, j’avais envie de pouvoir bouger.

Et vous l’avez rapidement prouvé, en bourlinguant un moment avant de vous poser…

En effet, lorsque je sors de l’école, en 1995, on est au cœur d’une crise de l’emploi très sévère, où même d’excellents éléments ne trouvent pas de travail et ne parviennent même pas à décrocher ne serait-ce qu’un entretien. Alors je décide de laisser passer l’orage en complétant mon bagage. D’abord avec un master à l’Essec où j’apprends à faire des achats de composants électroniques. Puis en entamant un tour du monde, avec des escales chez des amis expatriés aux quatre coins de la planète : Etats-Unis, Corée du sud, Nouvelle-Zélande, Australie… Puis avec deux stages, l’un à la Commission européenne, l’autre dans un cabinet de consulting. Et enfin avec un CDD de trois mois dans une entreprise d’aéronautique. 

C’est là que les choses se décantent ?

Oui je suis finalement débauchée par CS Télécom, qui me propose de faire des achats de composants électroniques mais finalement je choisis de travailler chez eux dans un poste de cheffe de produit marketing où je suis en charge du Safecom 3000 et où je développe plusieurs cartes comme une carte de switch Frame Relay, X25 concentrateur ATM. Mes missions dans ce poste :  développer des fonctionnalités, réaliser des études comparatives sur des produits concurrents, développer des argumentaires technico-commerciaux, proposer de nouvelles fonctionnalités techniques, etc. J’étais donc en contact avec le développement, la programmation, les achats et la vente. Un métier complet et stimulant. 

Cette aventure dure un temps. Qu’est-ce qui y a mis fin ? 

La bulle des télécoms et l’arrivée des 35 heures ont eu raison de cette entreprise Française qui développait déjà une quarantaine de produits et qui se trouvait complémentaire mais parfois concurrente d’Alcatel ou de CISCO et  qui a  fini par déposer le bilan. L’histoire se termine en 2001 et cela met fin à une belle période, avec une belle équipe. J’ai donc pris un nouveau chemin en rejoignant à l’époque l’ART, devenue l’ARCEP, l’Autorité de Régulation des Télécommunications et de la Poste, où j’ai été recrutée dans l’unité européenne pour laquelle j’ai travaillé plusieurs années avant de rejoindre la cellule de de prospective technologique qui venait de se créer. 

Et puis il y a l’appel de la Commission européenne, une fois de plus...

Sans doute en partie en raison de mes origines polonaises, j’ai toujours été très attirée par ce qui se passait à l’échelle européenne, et par la perspective de travailler avec les pays de l’Est. J’avais d’ailleurs, lors de mon passage à l’Essec, effectué un stage en Pologne. Donc la Commission européenne était évidemment une destination privilégiée. C’est un endroit où l’on peut vivre plusieurs vies, où l’on peut travailler un peu partout. J’y suis entrée au sein de la DG communication, à la gestion des studios audio-visuels. Cela me plaisait mais me frustrait aussi, car on n’y gérait pas de dossiers en propre. Je gardais donc une oreille attentive aux opportunités, et j’ai fini par rejoindre la DG Entreprises et PME, devenue par la suite la DG GROW (fusion de la DG Entreprise et de la DG marché intérieur) qui comportait une Unité d’ingénierie, regroupant plusieurs Actes législatifs techniques comme la Directive Compatibilité électromagnétique, la Directive sur les équipements radio, la Directive basse tension,  mais aussi les équipements à gaz, les Atmosphères explosives (Atex), les équipements sous pression, les équipements de protection des personnes, les ascenseurs, les hors-bords,  la directive machines, etc. J’ai été nommée responsable de la Directive Compatibilité électromagnétique , puis quelques années après est venu s’ajouter le Règlement sur  les équipements à gaz. 

Concrètement, quels sont les enjeux auxquels vous êtes confrontée dans votre métier ?

Les Directives et les Règlements doivent être appliqués par les Etats Membres (EM). La Commission veille à faire appliquer ces législations par les EM. La Directive Compatibilité électromagnétique exige que les équipements ne se perturbent pas les uns les autres au sein du marché intérieur. Ainsi, avec l’aide des autorités de surveillance des marchés des Etat-Membres nous veillons à ce que les équipements répondent aux exigences des législations. 

"Des rayonnements électromagnétiques émanant d’une climatisation ou de tout autre appareil électroménager peuvent perturber le fonctionnement d’autres équipements allant jusqu’à causer un accident de tramway (perturbation de la signalisation) ou endommager les éléments de contrôle d’un avion à quelques kilomètres à peine."

Ces perturbations électromagnétiques, quelles peuvent être leurs conséquences ?

Elles peuvent être nombreuses et très diverses. On a vu un accident de tramway se produire en raison de ce type de perturbation, ou encore les éléments de contrôle d’un avion être perturbés par une climatisation à près de 3 kilomètres. Les perturbations des équipements peuvent générer des conséquences, comme le dérèglement d’équipements de monitoring impliquant des vies humaines. C’est en certifiant que les produits sont bons qu’on protège les consommateurs. 

En quoi votre métier a-t-il à la fois une portée économique et politique ?
Les standards s’appliquent au niveau européen pour que les produits puissent s’échanger librement entre les pays membres de l’Union. C’est aussi une manière de protéger le marché européen en régulant l’arrivée de produits venus d’ailleurs, contraints de respecter les mêmes normes.

"La force de Sudria : la qualité de l’enseignement et des professeurs, la vie sociale, l’esprit d’entraide… "

Un mot sur l’Ecole. Gardez-vous dans votre ADN des traces du passage par Sudria ?

Bien sûr. L’ESME est à l’origine de tout ce que j’ai fait ensuite. C’est d’abord le passage par l’Ecole qui m’a ouvert les portes de cette carrière, de ce cheminement. Je parle là de la qualité de l’enseignement et des professeurs, mais aussi de la vie sociale, de l’esprit d’entraide qui régnait, des soirées, des événements, même après le diplôme. J’ai d’ailleurs gardé de nombreux contacts et amis. J’ai adoré ces années.  

Quel message adressez-vous à celles et ceux qui ont récemment intégré l’Ecole ? 

Qu’ils ont fait le bon choix ! Celui d’une école où l’on sait où l’on va, où l’on a déjà une idée de ce qu’on aime, de nos aspirations, à la différence de nombreuses prépas généralistes.   

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