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Le rire, une affaire sérieuse

Soyons Optimiste

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27/11/2021

Quelques bons conseils sur le rire, par Véronique Dreyfuss-Pagano*, professeure suisse.

« Il faut rire avant d’être heureux, de peur de mourir sans avoir ri. » Voilà ce que l’écrivain La Bruyère, qui en connaissait un rayon en matière d’humanité, affirmait dans Les Caractères.
Et puis, « rire , c’est bon pour la santé » comme l’a dit Monsieur Schneider-Ammann, notre très sérieux conseiller fédéral au don comique insoupçonné (y compris de lui-même) mais désormais mondialement reconnu et salué sur Youtube.

Penchons-nous donc sur cette merveilleuse expérience physio-logico-existentielle, ça devrait nous distraire un peu. Aujourd’hui j’adopte la perspective du rire à travers les âges et les auteurs, pour un petit tour d’horizon revigorant, j’ose l’espérer…

« Mieux est de ris (rires) que de larmes écrire. Pour ce que (parce que) rire est le propre de l’Homme. » annonçait Rabelais à ses lecteurs. Médecin, il avait le projet de faire rire ses malades pour les soulager, et se lança ainsi dans l’écriture de Pantagruel puis de Gargantua dans ce but : les faire rire aux éclats et leur faire oublier leurs souffrances.

C’était un précurseur, jugez plutôt :

Les vertus thérapeutiques du rire
Sont très sérieusement reconnues par la science médicale aujourd’hui, tant pour les enfants malades que pour les traitements des maladies cardio-vasculaires par exemple.

Norman Cousins, un journaliste américain atteint d’une maladie dégénérative très douloureuse, le découvre sur lui-même en 1964 et fait date dans les thérapies médicales à partir de sa publication d’un article en 1979 sur ce sujet. Il fait toujours référence aujourd’hui. (Anatomy of an Illness as Perceived by the Patient.)

Norman Cousins visionnait volontairement des films comiques qui le faisaient beaucoup rire. Il observa les effets physiologiques qui s’ensuivaient: il souffrait moins et pouvait dormir.

Depuis lors les neurosciences se sont penchées sur la question et continuent ces recherches très sérieuses et prometteuses.

L’activité physique du rire est libératoire, libératrice d’endorphines, analgésique, elle masse les côtes et le diaphragme, oxygène le sang, diminue le stress, augmente l’immunité et muscle les abdominaux ! Elle accroît l’optimisme et favorise l’insertion sociale.

« Le rire est le meilleur désinfectant du foie » avait pour sa part dit Malcom de Chazal 1902-1981). En tout cas, rire évite de se faire trop de bile… !

Une aide existentielle
« La plus perdue de toutes les journées est celle où l’on n’a pas ri » nous dit le philosophe du 18e siècle Chamfort (Maximes et réflexions). C’est une phrase qui semble extrême, mais qui laisse songeur si l’on s’y attarde… Nous avons tous traversé des journées tristes ou terribles pendant lesquelles rire était impossible. Elles sont perdues pour le bonheur.

Paradoxalement, cela demande beaucoup de courage de rire dans certaines circonstances : il faut prendre du recul et prendre sur soi, transformer du lourd, de la gravité, en légèreté. Mais ça en vaut la peine, si on en a la force, car ça dédramatise, ça donne une autre lecture de la réalité qui nous accable. Ce n’est hélas pas toujours possible. Mais on peut essayer, comme l’avait fait fait Norman Cousins de s’appuyer sur les autres pour nous faire rire à nouveau, et relancer la machine vers plus d’espoir…

Humour et humoristes
« C’est une étrange entreprise que celle de faire rire les honnêtes gens. » (Molière, 1622-1673)
« L’humoriste, c’est un homme de bonne mauvaise humeur. »(Jules Renard, 1864-1910)

Aujourd’hui, comme naguère, les humoristes nous sont nécessaires, ils nous font du bien. Ils dessinent, parlent, se filment, écrivent pour notre plus grand plaisir. Ils sont les « fous des rois », ceux qui osent dire tout haut ce que nous pensons parfois tout bas, ou qui nous ouvrent les yeux sur des réalités difficiles, illustrant ainsi souvent cette pensée:

« La vérité est dans le rire » (Mme de Girardin, Lettres parisiennes, 19.07.1837)

En tout cas, le rire est souvent nécessaire pour enrober la critique et dorer une pilule que certains pouvoirs n’avalent pas (ou plus) toujours bien. Aux Etats-Unis, les humoristes ont davantage de marge de manœuvre pour s’exprimer franchement que bien des journalistes…

Enfin, comme le dit Raymond Queneau, parfois aussi « l’humour est une tentative pour décaper les grands sentiments de leur connerie ».
Si l’on associe cette déclaration à la célèbre définition de l’infini d’Einstein (« Deux choses sont infinies: l’Univers et la bêtise humaine. Mais en ce qui concerne l’Univers, je n’en ai pas encore la certitude absolue »), les humoristes auront encore longtemps matière à nous faire rire…

Alors gardons les Pieds sur Terre et nos zygomatiques en exercice, trouvons chaque fois que c’est possible, le moyen de rire un peu, beaucoup, passionnément !
Il n’y a pas de mal à se faire du bien, rions ! Parce que, comme le dit un auteur anonyme dans cette bible du rire qu’est le livre de Jean-Marie Gourio 10.000 brèves de comptoir : « la galère, j’aurais pas pu, t’es toujours assis dans le sens contraire de la marche ! »

Véronique Dreyfuss-Pagano
* Spécialisée dans les domaines de communication interhumaine, de proxémie et de développement durable, Véronique Dreyfuss Pagano est professeur de géographie et de littérature à Lausanne, en Suisse. Mettre la pensée systémique au service de la résolution de problèmes complexes dans les sciences humaines est l’une de ses activités.
Source : https://blogs.letemps.ch/veronique-dreyfuss-pagano/


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