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(A LIRE) Madagascar et la famine énergétique (suite de la conférence faite lors de l'AG)

Information générale

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20/05/2019

Lors de l'AG de mars dernier François Collombat (75) nous avait parlé des problèmes de l'énergie à Madagascar car il est lui-même impliqué dans les solutions qui sont proposées à ce pays (voir les éléments de biographie de François en fin de cet article). Cette conférence ayant fortement intéressé les présents il reprend le sujet avec plus de détail.

Madagascar face à la « famine énergétique »…

A Madagascar, avec une population estimée à 26 millions d’habitants, seulement 15 % de la population de Madagascar a accès à l’électricité. Dans les zones rurales, ce taux est de 5 %. C’est dans ce contexte général que s’inscrit la Nouvelle Politique de l’Energie de l’état qui lance des Appels à Projets (AP)  pour le choix d’Opérateurs privés, qui seront chargés de valoriser en priorité les sites hydroélectriques dans la zone du projet et/ou d'autres sources d’énergies renouvelables afin de favoriser, directement ou indirectement, l'accès de la population aux énergies renouvelables et l'amélioration de l'efficacité énergétique des ressources existantes. C’est dans ce cadre que j'interviens actuellement dans ce pays.


Madagascar… Situation géopolitique :

A près de 9000 Km de Paris, Madagascar est une des plus grande ile du monde. Sa superficie de 587 000 km2 est équivalente à celle de la France et de la Belgique réunis. La population s’élève à 26 millions d’habitants qui vivent pour la plupart dans des zones rurales.

La capitale Antananarivo (Tananarive) regroupe à elle seule 10% de la population. Les cinq autres principales villes réunissent près de 1,2 millions de personnes. Toamasina (Tamatave – 300 000 hab) située sur la cote est et tournée vers l’océan indien, est le principal port de l’ile. L’autre port de l’ile, Mahajanga (Majunga – 250 000 hab) est construit sur la cote ouest au bord du canal du Mozambique à 400 km de l’Afrique. Antsirabé (300 000 hab) et Fianarantsoa (200 000 hab) sont, comme  Antananarivo, des villes des hautes terres dont l’altitude varie entre 1500 et 1200m. Enfin, Toliara (Tulear 170 000 hab), étendue sur les rives du canal du Mozambique est la plus grande ville du sud.

Pour Madagascar, la réduction de la pauvreté constitue un immense défi. 90% de la population vit avec moins de 2 dollars par jour. Le pays est un des plus mal classés au monde pour son secteur de la santé. La malnutrition chronique est un problème majeur de santé publique et de développement. Environ 2 millions d’enfant de moins de cinq ans sont affectés, surtout dans les zones rurales. Les enfants des hautes terres sont les plus touchés par le retard de croissance. La malnutrition chronique a un impact irréversible sur la croissance physique et le développement intellectuel. L’accès limité à l’eau potable et les mauvaises pratiques d’assainissement et d’hygiène sont particulièrement préoccupants, en particulier compte tenu du lien avec la malnutrition chronique et la diarrhée qui affecte les enfants de moins de cinq ans. Madagascar est le 3ème pire pays au monde pour l’utilisation de source d’eau améliorée (36% de la population) et l’utilisation de structure d’assainissement de base (10% de la population).  

L’accès à l’éducation est fortement limité, le taux de fréquentation de l’école est très bas et peu d’enfants terminent le cycle primaire. 

Le secteur énergétique malgache pâtit de nombreuses inefficacités et ne parvient pas à subvenir aux besoins de la population et de l’économie de manière satisfaisante. L’utilisation de l’énergie à des fins de cuisson relève de procédés inefficaces et nocifs pour la santé des citoyens, et repose sur une utilisation non durable de la biomasse. 

Pour l’électricité et l’éclairage, l’accès est faible alors que la production est chère et les services peu fiables, et la majorité de l’éclairage est effectué au pétrole lampant—un moyen d’éclairage dangereux, polluant, et de mauvaise qualité. 

Seulement 15% de la population de Madagascar a accès à l’électricité et dans les zones rurales, ce taux est de 5 %. Actuellement la majeure partie de la production électrique (moins de 700 MW au total) est réalisée grâce à des centrales fonctionnant au fuel ou au gas-oil (487 MW) et le reste avec l’hydraulique (166 MW). 

Depuis quelques années des plans d’amélioration de tous ces secteurs sont initiés par le gouvernement qui dispose d’assistance de très nombreuses ONG internationales.

Le 18 janvier 2019, Andry Rajoelina est redevenu Président de la République mais, contrairement à ce que de nombreux observateurs redoutaient, l’alternance s’est déroulée de manière apaisée et le pays a échappé, pour la première fois, à une crise postélectorale. 

Les grandes actions lancées par le gouvernement précédent ne sont pas remises en cause, mais au contraire, accélérées. Ainsi, la Nouvelle Politique Energétique (NPE) validée en octobre 2015 est maintenue.

La nouvelle politique énergétique (NPE) à l'horizon 2030 :

Mise en œuvre d’un plan de 2 milliards d’Euros élaboré avec l’appui de la banque mondiale pour une production électrique annuelle de 7900 GWh contre 1500 GWh en 2015 en s’appuyant notamment sur une production hydroélectrique dont le potentiel est estimé à 8000 MW.

Développement d’un secteur énergétique qui favorise la prospérité et le bien-être des citoyens et la croissance économique du pays à travers : 

Un approvisionnement de l’énergie au moindre coût, 

L’accès de tous à des services et produits modernes de qualité,

Une production, exploitation, et consommation des ressources qui reposent sur des pratiques durables et qui garantissent la sécurité énergétique du pays.

Cinq objectifs qualitatifs pour le secteur, qui sont

  1. l’accès à l’énergie moderne,
  2. l’abordabilité,
  3. la qualité des produits et des services ; 
  4. la sécurité énergétique ; 
  5. la durabilité.

Trois objectifs quantitatifs : 

  1. 70% de la population aura accès à une source d'éclairage moderne. Les hypothèses suivantes sont utilisées concernant la ventilation de l’objectif, 85 % à partir d’énergie renouvelable dont 62.5 % à partir d’hydroélectricité : 90% des ménages connectés aux réseaux électriques. 5% des ménages électrifiés grâce à des systèmes solaires domestiques, 5% des ménages utilisant des lampes solaires pour l’éclairage.
  2. Un taux de pénétration des foyers de cuisson améliorés (c’est-à-dire les foyers améliorés au bois de chauffe, les foyers améliorés au charbon de bois, les foyers à gaz, et les foyers à éthanol) de 70%.
  3. Un taux de pénétration d’équipements d'efficacité énergétique pour les utilisations commerciales et industrielles des hydrocarbures et de la biomasse, 60% des commerces et industries auront mis en œuvre des mesures d’efficacité énergétique d’ici 2030.

Le secteur électrique à l’horizon 2030 :

L’alimentation électrique future du pays repose sur deux approches complémentaires. 

  1. Mise en œuvre de réseaux urbains, interconnectés grâce à des lignes de haute et très haute tension (220kV) alimentés par de grandes centrales hydroélectriques. Les centrales thermiques existantes seront conservées en terme de bouclage de l’équilibre Production/consommation. Les villes de Tamatave, Antananarivo, Antsirabé, Fianarantsoa seront sur un seul et même réseau géré par un dispatching moderne. La ville de Majunga possédera son propre  réseau alimenté par une centrale hydroélectrique et les centrales thermiques existantes. La ville de Tulear, située dans une région où il n’y a pas de possibilité de production hydraulique, sera alimentée par des centrales thermiques et, autant que possible, par des centrales solaires et éoliennes. Les hypothèses utilisées concernant le mix de production électrique en 2030 sur les réseaux urbains sont les suivantes :

75% produite à partir de l’hydraulique

15% à partir du gaz naturel liquéfié (avec une entrée en production d’une première centrale en 2020)

8% à partir de centrales éoliennes, 

2% à partir de centrales solaires.


2. Mise en œuvres de mini réseaux isolés dans tous les secteurs ruraux.

Les hypothèses utilisées concernant le mix de production électrique en 2030 pour les mini réseaux sont les suivantes :

50% d’hydroélectricité

20% de biogaz produit à partir d’enveloppes de riz

25% de diésel,

5% de solaire.

Pour la réalisation de ces ambitieux programmes, l’état a décidé de faire appel au secteur privé par l’intermédiaire de Partenariat Public Privé (PPP) pour financer et gérer les grandes centrales de production. Pour le secteur de l’électrification rurale, des PPP seront mis en place pour produire, transporter, distribuer et vendre l’électricité. 

La société nationale d’électricité existante (JIRAMA) sera essentiellement cantonnée sur l’exploitation du réseau électrique et la gestion de l’équilibre Consommation/production grâce à un dispatching moderne qui doit être mis en place dans les deux ans à venir.


Mes Activités à Madagascar :

Dans le cadre de ma Société, j'ai passé un contrat de conseil d’O&M avec la Société Eranove qui sera chargée d’exploiter l’aménagement hydroélectrique de Sahofika à partir de 2024.  
Le projet, d’un montant de plus de 600 millions de dollars,  prévoit la construction d’un barrage de 60m de hauteur pour permettre de retenir l’eau sur une surface de 6,7Km². L’usine sera alimentée sous 700 m de chute par une galerie souterraine et une conduite forcée. 6 ou 7 turbines seront mises en place pour la production d’environ 1500GWh d’électricité par an. Avec une puissance de près de 200 MW, cet aménagement sera le plus important de Madagascar. En effet, le projet Sahofika permettra de doubler la puissance du Réseau Interconnecté d’Antananarivo. C’est au Consortium Eiffage-Themis-Eranove-HIER que le Gouvernement Malgache a confié la réalisation du projet d’aménagement hydroélectrique, sur la rivière Onive.

« Sahofika produira environ 1500 GWh par an à partir d’une source d’énergie propre, à un tarif significativement plus bas que la moyenne de production nationale. Par ailleurs, il offrira une puissance garantie supérieure à 130 MW même durant les étiages », a indiqué le Consortium qui travaille en partenariat avec le Ministère de l’Energie et des Hydrocarbures. 

A noter que le projet a été attribué en 2016 au consortium, à l’issue d’un appel d’offre international mené par le gouvernement dans le cadre d’un plan de réformes visant à développer la production indépendante d’énergie à partir de sources durables et à répondre à la forte demande en énergie électrique du pays.

Ce projet contribuera fortement au développement national et local suivant les exigences les plus strictes en matière d’environnement, d’engagement sociétal et de gouvernance.

Le projet Sahofika est cofinancé par plusieurs bailleurs de fonds, parmi lesquels figure le Groupe de la Banque Africaine de Développement (BAD). Il s’agira de la seule Centrale hydroélectrique qui peut garantir une puissance en pointe à toutes les saisons, même à l’étiage, grâce à son énorme réservoir. Selon le calendrier préétabli, les travaux de construction des infrastructures devraient débuter vers le mois de décembre de cette année. L’étude sociale et environnementale a déjà commencé en mars 2018 et devrait s’achever avant l’été. L’ensemble des travaux sera terminé en 2024 et la centrale pourra débiter son énergie sur une ligne de 220 000 volts qui sera construite dans le même temps par le consortium pour le compte de la JIRAMA . Cette ligne de plus de 100 km alimentera le réseau interconnecté de Antananarivo, Antsirabé, Fianarantsoa.

Comme Expert international Hydroélectricité, je travaille au sein de l’agence Malgache de l’Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel (ONUDI). 

L’ONUDI intervient dans l’élaboration du cadre juridique pour les énergies renouvelables et l'établissement de plans d’affaires pour de petits sites hydrauliques, ainsi que dans l'élaboration de modèles de formation dans le cycle de projet. Elle a lancé le programme intitulé « Amélioration de l’accès à l’énergie par le développement de petites centrales hydroélectriques à des fins productives en zones rurales  à Madagascar.», avec l’objectif de stimuler l’utilisation de Petites Centrales Hydroélectriques (PCH) afin de réduire les émissions de Gaz à Effet de Serre et de déclencher des activités productives, génératrices de revenus ; en accord avec les priorités stratégiques et politiques du Gouvernement de Madagascar. 

Dans ce cadre, j'apporte toutes mes compétences et mon expérience aussi bien auprès des responsables de l’ONUDI que des fonctionnaires de l’Agence de développement de l’électrification rurale (ADER). L’ADER est chargée de mettre en œuvre la politique du gouvernement Malgache en matière d’électrification rurale conformément aux principes suivants.

« Réduire la pauvreté et augmenter le niveau de vie des ménages ruraux tout en respectant les principes de la Bonne Gouvernance ; ce sont les principaux objectifs du Gouvernement. Le développement de l’électrification rurale constitue une des stratégies utiles pour atteindre ces objectifs. En effet, l’énergie est à la base de toutes activités économiques et industrielles tout en contribuant au développement social et culturel. Il est communément admis que l’électricité est un axe transversal de la croissance. Le Programme d’électrification rurale s’inscrit dans le cadre de la  Politique Générale de l’Etat et de la politique sectorielle favorisant la «Transition énergétique».

Il est mis en place une approche par Appels à Projet, basée sur la capacité des investisseurs à développer de manière autonome des projets d’électrification rurale à partir des orientations fournies par l’ADER, conformément à la planification régionale et à la stratégie globale adoptée par le  secteur.

Les Appel à Projets ont pour objets de : i) favoriser l’implication d’opérateurs privés dans le secteur de l’électrification rurale à Madagascar, et (ii) d’apporter l’appui technique et financier  nécessaire à ces initiatives pour qu’elles se concrétisent en réalisations viables et pérennes.

Un projet consiste au financement, à la conception, la construction, à l’exploitation, et la maintenance de centrales de production d’électricité et de lignes de distribution en moyenne et basse tension pour alimenter en énergie électrique les villages situés dans le périmètre de Concession/Autorisation octroyé aux sociétés retenues. 

Actuellement trois aménagements hydroélectriques de petite puissance (600 kW, 1,7 MW, 5,5 MW) sont en cours d’étude, leur réalisation est prévue pour se terminer en 2022. Ces projets sont l’occasion de mettre au point des méthodes d’organisation qui seront reconduites prochainement. L’ADER indique que plusieurs dizaines de concessions seront proposées sous forme d’Appel à Projet dans les années prochaines. 




François Collombat (promo 75), a fait toute sa carrière au sein d’Electricité de France dans le secteur de l’hydroélectricité. Dans un premier temps, il a successivement été ingénieur d’exploitation puis responsable de plusieurs centrales hydroélectriques de grande puissance dans les Ardennes, les Pyrénées et les Alpes. Il a ensuite occupé des postes de Direction, d’abord en région, puis au sein de l’état-major du service de la production hydroélectrique à Paris. Il a terminé sa carrière comme Directeur Général de plusieurs filiales d’EDF chargées d’exploiter des petites centrales disséminées sur l’ensemble du territoire. Après s’être beaucoup ennuyé lors de ces quatre premiers mois de retraite, il a accepté de travailler comme expert Hydroélectrique pour l’ONU au sein du service du développement industriel des pays émergents. Dans le même temps, il a créé une société de conseil dans le même domaine.

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