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(A LIRE) Entendre ou Ecouter... la leçon de Tonton Georges

Pour réfléchir

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20/03/2018

Nous les ingénieurs, du fait de notre formation, de notre expérience technique, nous sommes habitués à ne pas perdre de vue nos repères et notre savoir, sur lesquels nous nous appuyons systématiquement. C’est notre sécurité et notre fierté. Face au discours d’autrui que nous entendons, ce que nous écoutons en même temps ce sont le plus souvent les chères paroles de notre propre discours intérieur que nous gardons en pôle-position.

Du type fréquemment « Travaillomane » ou « Persévérant » (cf. la Process Com), nous sommes enclin, surtout si la situation relationnelle génère du stress, à « sur-détailler » ou « pinailler », prendre une posture « parentale » ou de «professeur».

Alors lisons ou relisons cet Interview de Georges Brassens par André Sève pour que ces propos nourrissent notre réflexion et orientent notre action.

Georges Brassens : Tu sais à force de réciter des poèmes en classe, et d’écouter des chansons, on voit à peu près comment ça se fabrique.

AS : Mais tu as travaillé la versification ?

GB : La plupart de ceux qui écrivent des chansons n’ont pas étudié la versification. On est fait pour écrire des chansons ou on n’est pas fait pour ça. Si on est fait pour ça, on n’a pas tellement besoin d’apprendre les règles.

AS : Toi tu les as apprises ?

GB : Oui, plus tard, parce que je raffinais un peu, mais…

AS : Tu en as conservé de tes premières chansons ?

GB : Non on peut écrire des chansons sans…tu ne m’écoutes pas ?

AS : Non c’est parce que…

GB : Tu suis ta pensée, je sens ça. Tu viens ici avec des idées préconçues et tu veux toujours suivre ton chemin, pas le mien. Quand j’avance quelque part sur une idée, il faut me laisser partir et tu m’arrêtes. Là, j’aurais pu dire des choses mieux, mais il faut le temps pour que ça vienne.

AS : On y reviendra.

GB : Il ne faut même pas dire qu’on y reviendra, il faut qu’on continue de parler, sans que tu t’occupes des questions que tu as fabriquées ou que toi tu veux suivre. Veux-tu Brassens ou veux-tu fabriquer Brassens ? Si tu suis ton idée, tu perds ce que moi en suivant ce qui me venait, j’allais te dire…

AS : Les spécialistes n’ont pas su s’ouvrir à tes musiques, ni même tellement à tes textes.

GB : Parce que toi, tu ne t’ouvres que si tu veux. Depuis que tu me questionnes, je le vois bien. Quand je t’explique quelque chose qui ne coïncide pas avec ce que tu voulais que je te dise, tu détournes la conversation.

AS : Moins maintenant ? Après trois jours d’écoute.

GB : D’écoute, si l’on veut. Non, tu attends, tu attends, et quand ça coïncide avec ce que tu attends, pof, ça fait tilt, tu me regardes d’une façon vivante, tu es ouvert. Mais quand ça ne coïncide pas, je vois ton visage sans vie. Je te surveille, tu sais, j’en apprends beaucoup sur toi en observant ton comportement d’interviewer. 

Tu arrives ici avec un Brassens entièrement préfabriqué dans ta petite tête et tu veux me faire entrer là-dedans. La seule chose qui t’intéresse, c’est de me faire dire ce que, d’après toi, Brassens doit dire, ce que Brassens doit être.  Tu pourrais avoir le vrai Brassens, et en tous cas un Brassens inattendu, mais non, tu t’es préparé au Brassens que tu veux. 

On attend toujours les êtres comme on les veut, on n’est pas prêt à la surprise.


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